Mali, l’autre marche

Mali, l’autre marche,

La longue et dure marche ! C’est notre marche ! Mais qu’il est long ce chemin, qu’elle est ardue cette voie ! La marche de ce matin, est la marche pour libérer le système prisonnier de la corruption. Ce chemin, « O Caminho », cette marche est la nôtre, c’est notre marche, car c’est notre vie, celle de nos enfants, celle de mon fils. Cette longue et pénible marche est la marche de nous, nous les frustrés, les révoltés, les « sans opportunités ». Notre marche pour reprendre ce dont nous prive la corruption. Parce qu’au Mali l’implacable corruption s’est emparée de tous nos droits, il a pris le cœur du système. Parce que son omniprésence est un mur entre nous et notre place, la place qui nous revient de droit.Ma mère le savait déjà quand j’entreprenais ce long et laborieux chemin de l’école en 1990.  Elle le savait, car je l’ai entendu dire à la voisine : « il y apprendra à écrire et à lire son nom. Du travail plus tard ? Dans ce Mali ? C’est sans espoir ! » Car, pour avoir sa place, du travail dans ce pays il faut être la fille ou le fils de tel. Il faut être de la descendance de tel, il faut avoir de l’argent ou le pouvoir pour avoir une place, ou pour être placé. Sinon, tôt ou tard, tu rejoindras la patrie des frustrés, des « sans opportunités ». En passant, je n’oublie pas le petit, très petit nombre des chanceux qui passent de justesse par les mailles du filet. Je les félicite, je félicite leur courage, leur longue et laborieuse marche, leur persévérance.

Oui, ma mère le savait déjà : « Ça suffira s’il sait écrire et lire son nom ». Tu sais Maman, ton petit fils va déjà au Préscolaire. Il vient d’avoir trois ans. Il sait déjà faire tant de choses, manipuler tant d’objets, il sait dire tant de choses ! Et les choses n’ont pas changé.  Mais j’ai commencé une marche, une longue marche. Je vais me battre pour lui. C’est le but de ma marche, de cette longue et dure marche que je fais avec les autres, qui y croient, qui le veulent. Je marcherais pour que son histoire soit différente. Je marcherai pour qu’il soit toujours à place, la place qu’il veut, qu’il choisira, qu’il fasse ce qu’il faire, qu’il choisisse d’être ce qu’il veut être. Quand il grandira, personne ne lui donne ou lui refuse sa place, son droit, parce qu’il est noir ou blanc, parce qu’il est homme ou femme, parce qu’il est ou n’est pas fils de tel. Telle est la fin de cette longue, longue et dure marche vers la liberté, notre liberté, « a nossa liberdade ».

Joseph