« Je suis Dogon. Je suis Bwa. Je suis malien. Je ne suis pas génocidaire »

“Il s’en défend en vain de n’être pas capable de telle barbarie. Il s’en défend en vain qu’aucune entité ne saurait commettre de telles atrocités en son nom” disait Marcel Banou

Un Dogon assassiné est un frère tué. Une Peuhle tuée est une sœur, un frère lâchement abattu. Ce qui se produit dans notre pays est dramatique. La crise est profonde. Le tissu social se déchire tous les jours un peu plus. Le vivre ensemble est en péril. Un cycle de violence s’installe. Une série de massacres que rien, absolument rien ne peut justifier ou expliquer. Des bandits, des terroristes, des opportunistes profitent d’une situation pour commettre des exactions, installer une psychose généralisée. Ils arrachent massivement et violemment les uns à la vie et les autres à leurs terres, à leur culture, à leur tradition les conduisant désespérément sur le chemin de l’exile, synonyme de misère.

Des analyses hâtives, sans investigations sérieuses ont conclu à des violences intercommunautaires : que Peulhs et Dogons s’entretuent. Des responsables militaires sont limogés, de grands discours politiques sont prononcés, et ceux qui, en l’absence de l’armée institutionnelle, protègent leur population, sont déclarés coupables.

Je m’interroge sur la responsabilité et la capacité de notre Etat, l’Etat malien. Lorsque l’Etat est présent et capable, il y a le droit, la loi. Il fait régner l’ordre public et il assume sa responsabilité. Et dans le cas de la sécurité, l’Etat présent est capable d’assurer la protection de chaque citoyen.

Lorsque l’Etat est cependant absent, incapable, alors s’installe le désordre et le chaos. L’absence du droit nous ramène à l’état de nature, stade de la lutte de tous contre tous, la loi de celui qui se croit fort, puissant, ou tout est permis, l’opportuniste. Dans ce contexte, la dignité du sage est bafoué, l’honneur des braves est tâchée et piétinée. La fierté d’un peuple est trempée dans la boue. Celui qui veut se protéger de l’ennemi est alors appelé génocidaire à tort. Un conflit aux origines complexes est banalement qualifié de conflit intercommunautaire.

“Il s’en défend en vain de n’être pas capable de telle barbarie. Il s’en défend en vain qu’aucune entité ne saurait commettre de telles atrocités en son nom” (Marcel Banou).

Je suis indigné et je m’interroge. Où est donc l’Etat malien ? Où est donc l’armée malienne dont la première responsabilité est la protection du peuple ? En effet, le 23 Mars 2019, 160 personnes sans sécurité, sans aucune défense sont froidement massacrées à Ogossagou… Alors que le 09 Mars le “directeur de la Sécurité d’Etat” du Mali venait de célébrer de façon insolite son anniversaire…

Alors que le Président Français, Emmanuel Macron affirmait, je cite : ” L’ensemble des participants constitue ce que nous avons choisi d’appeler la Coalition Sahel qui va venir appuyer le travail sur le terrain de la force G5 Sahel et de l’Alliance pour le Sahel avec ses deux piliers, sécurité et développement, c’est l’engagement de tous les pays présents comme des organisations internationales que nous avons ici acté.”

Alors je me demande : Que ou qui sécurise-t-il, le directeur de la sécurité d’Etat ? Que font-ils les militaires de la Minusma ? Qui ou alors que sécurise le G5 Sahel ?

Pourquoi autant de dispositifs si notre quotidien devient de plus en plus triste et angoissant ? Si l’incertitude doit nous dominer ? Si nous devons fuir nos terres, voir notre vie suspendue à la peur, à l’angoisse ? Voir notre frère, notre sœur traité à tort de génocidaire ?

Oui, les conséquences de la culture de l’ignorance, du favoritisme et de l’opportunisme, de l’impunité et de la corruption, du laisser-faire et du laisser-aller nous rattrapent et nous clouent au sol.

L’heure est à l’éveil ! L’heure est à la vigilance ! Les responsabilités doivent être identifiées et situées. Justice doit être faite. Vigilance ! Ne pas nous laisser entrainer dans la diversion. Les discours politiques, les Sommets G5 Sahel, ou même être président du G5 Sahel, les signatures d’accord et le limogeage, ne suffiront pas ! Il n’y a pas de paix, ni de réconciliation sans la vérité !

Aussi, devons-nous nous lever tous ensemble, mettre en commun nos personnes, nos “savoir-faire” et nos “savoirs vivres” pour reconstruire la paix. Lorsqu’un Dogon, un Peulh, un Bobo, un Bambara, un Senoufo… est tué, c’est un malien qui est tué, c’est mon frère qui est massacré, c’est ma sœur qui est assassinée. Et je n’accepte et n’accepterai cela !  Il nous revient de prendre le dessus sur la haine, sur les hostilités, de faire la lumière sur la vérité, pour reconstruire ensemble notre tissus social, retisser les liens sociaux desquels dépendent la reconstruction de la paix qui dure.

Article publie dans : https://voixdebamako.com/

Joseph